Fraîchement auréolée de son titre de champion du Monde, l’Allemagne a semblé avoir bien du mal à digérer les litres de bière engloutis à l’issue de son triomphe brésilien. L’esprit encore embrumé par les effluves du houblon, son regard s’est aussi figé au moment de l’annonce de la retraite internationale de Philipp Lahm et à un degré moindre celle de Miroslav Klose. La Mannschaft venait de prendre conscience que son mal de tête pourrait bien se prolonger. Son inquiétude se matérialisait assez rapidement. L’absence de son désormais ex-capitaine était criante.

Sa défense tanguait. Son jeu balbutiait. L’équilibre et la discipline qu’apportait le latéral du Bayern Munich sur et en dehors du terrain était une page blanche qu’il fallait réinventer. Sans céder à la panique, Joachim Löw n’a pourtant entamé aucune révolution en dépit de résultats qui ne disent rien de sa domination à l’été 2014. Une défaite face à son voisin polonais et cinq points laissés en route face à l’Irlande l’ont obligé à batailler jusqu’au bout pour sécuriser la première place de son groupe de qualification. Ses prestations en amicale face à la France et l’Angleterre, soldées par deux défaites, ont, elles aussi, confirmé une phase de transition qui n’en finit plus de se prolonger.

Ses approximations défensives, jusque-là masquées par la solidité de la charnière Boateng-Hummels et la classe d’un Manuel Neuer toujours prompt à se transformer en onzième joueur de champ, se sont éclairées d’un nouveau visage. Sa relative faiblesse dans les couloirs et sa lenteur dans le cœur du jeu (Kroos/Schweinsteiger ou Khedira) la fragilisant face à des équipes redoutables sur phase de récupération haute ou de contre-attaque. Offensivement, le fantôme d’un avant-centre capable de conclure à tout moment à la manière d’un Klose ou d’un Gerd Muller rode en permanence.

En ayant fait le choix d’évoluer sans vrai numéro 9, l’Allemagne tombe parfois dans la monotonie d’une possession de balle stérile. Son manque de surprise et de spontanéité en certaines occasions rappellent la difficulté à concrétiser dans un tel système de jeu. Reste que Löw et ses hommes le connaissent parfaitement. Et si la fausse note fait désormais partie domaine des possibles, la partition est connue et récitée mécaniquement. C’est que son sélectionneur n’a que très peu changé son message et sa philosophie depuis son arrivée en qualité d’adjoint de Jürgen Klissman en 2004.

Les résultats obtenus lors de la dernière décennie ne lui en indiquent, il est vrai, pas franchement la nécessité alors qu’il a systématiquement emmené son pays dans le dernier carré des deux derniers Euros (finaliste en 2008 et demi-finaliste en 2012). Alors, si outre-Rhin on se pose légitimement des questions, la garantie représentée par sa capacité à se transcender en compétitions officielles et son quatuor en attaque (Reus (grand absent de la dernière Coupe du Monde et qui a de nouveau déclaré forfait), Müller, Ozil et Götze) complété par l’émergence de la nouvelle génération (Julian Draxler et Leroy Sané) est un permis pavant la voie à un doublé à la manière de la France au tournant des années 2000.

JULIEN ROUX

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