7 mai. Le Diable vient de laisser échapper son diabolique trident. Son regard empli de malice s'est, lui aussi, fait la malle. Le temps est à l'orage. Et son visage fait grise mine. Non vraiment, le Diable semble avoir perdu son feu. C'est qu'il vient d'apprendre que son ange préféré ne l'accompagnera pas de l'autre côté de la frontière en juin prochain. Et franchement, aller tourmenter son voisin sans Vince The Prince, ça le chagrine terriblement. Les signes avant-coureurs ne manquaient pourtant pas. Mais, lui, éternel optimiste de l'imprévisible, se refusait même à envisager cette éventualité.
C'est que leur amitié coure depuis des années. Et a traversé bien des galères avant d'entrevoir quelques éclaircies puis de connaître une forme de plénitude. Cet Euro devait être le leur. Celui de l'avènement. Du couronnement même. Oui mais voilà, les sempiternels pépins physiques de Kompany, car c'est bien de lui dont on parle, on ressurgit. Impitoyable. Cruel. Sans lendemain. On jouait à peine les premières minutes de la demi-finale retour de la Ligue des Champions. A Santiago Bernabau, le Real Madrid et Manchester City était toujours dos à dos quand le Belge s'est effondré. Foudroyé par un énième ennui musculaire.
Le diagnostic confirmait les craintes nées de la vision terrible de cette grimace arrachant le visage d'un homme à terre. Le capitaine de la formation de Marc Wilmots serait indisponible pour le reste de la saison, Euro inclus. Un claquage à la cuisse droite, sa cinquième blessure, d'une saison passée à l'infirmerie. Certains esprits un brin taquins diraient même d'une carrière. En cumulé, son indisponibilité est évaluée à plus de trois ans depuis ses débuts en professionnel il y a treize ans de cela. Rien que ça… Le sélectionneur belge se voyait alors confronté à deux équations. Celle d'attribuer le capitanat à un nouvelle tête et celle, plus embarrassante, de recomposer une défense.
A la première inconnue, il allait rapidement trancher en faveur d'un Eden Hazard (meilleur buteur belge avec éliminatoires à égalité avec De Bruyne), dont les performances ces dernières semaines ont peu à peu effacer les premiers mois d'une saison jusque-là transparente. Comme si le meneur de jeu de Chelsea, obnubilé par cet objectif, en avait oublié son football avant de le retrouver à mesure que la compétition se rapprochait. A la seconde, Wilmots n'allait y répondre que très partiellement. La faute à une cascade d'imprévus, tombant comme à Gravelotte.
A se demander si les défenseurs du plat pays n'étaient pas, tour à tour, victimes d'une malédiction. Au forfait de Kompany s'ajoutaient ceux de Engels (adducteurs), Lombaerts (cuisse) et Boayata (cuisse). Faisant même dire à l'ancien monégasque qu'il avait envisagé « de se suicider ». Manier l'humour noir pour mieux évacuer la question d'une animation défensive à reconstruire à quelques jours de l'entrée en scène des Diables Rouges face à l'Italie. Sacré casse-tête qui semble prendre un malin plaisir à torturer l'encadrement alors que Vermaelen est sorti une nouvelle fois prématurément lors du match de préparation face à la Finlande et que Meunier soigne toujours une contusion à la cuisse.
Conséquence directe, Wilmots n'a eu d'autre choix que d'appeler ce newbie de Kabasel. Sans lui faire injure, on a connu meilleur remède. Pas franchement donc le meilleur des scénarios alors que la Belgique avait traversé sans encombre ni éclat les qualifications, terminant première de sa poule sans n'avoir rien montré (défaite face au Pays de Galles à Bruxelles). Ou presque. Pour preuve cette attaque atteinte du syndrome du trop-plein de talent, et auteur de 24 buts en 10 matchs dont 16 face à Chypre et Andorre... Le diable avait bien des raisons d'avoir le regard sombre.
JULIEN ROUX
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