Cela a tout l'air d'une symphonie des temps modernes. De celle que Mozart n'aurait pu même composer. Son caractère un brin narcissique ne lui autorisait guère le partage. L'écriture de cette partition chante à l'inverse le génie collectif. Six mains ont ainsi gribouillé des heures durant, échangé, revoyant sans cesse leur copie pour enfin donner vie à une vision et à un destin communs. Un pont entre passé et futur pour se donner à vivre un présent aux perspectives infinis. Plus qu'un ramassis de compromis, elle suggère plus volontiers les accords de talents individuels sur des principes collectifs inaltérables. Le trio Rakitic – Modric – Kovacic a tout pour devenir le tube de l'été.

Une petite musique qui n'a pourtant bien failli n'avoir jamais eu l'occasion de résonner. Les fausses notes ont, il est vrai, longtemps accompagné ses premières prestations. Trop sûr de sa force, il en oubliait parfois à imprimer le tempo, subissant trop souvent le rythme imposé par ses adversaires. Dépassé dans l'impact, il ne parvenait pas à poser le pied sur le ballon pour se mettre en action et faire jouer ses partenaires. Des absences comme des accrocs qui seraient finalement fatales à leur mentor. Niko Kovac était démis de ses fonctions à la suite d'un match nul de la Croatie en Azerbaïdjan et d'une défaite à Oslo face à la Norvège.

Frustré par ce manque chronique de constance, le président de la fédération, Davor Suker, valida donc l'arrivée du sexagénaire et impopulaire Ante Cacic et de son adjoint Josip Simunic, connu pour avoir été récemment suspendu dix mois par la FIFA après des propos racistes. Une décision qui allait se révéler autant judicieuse que fondatrice. Une succession de trois succès de rang signifiait une prise de conscience collective. Et la résurrection de son entrejeu dont la créativité et à la propension à combiner n'ont que peu que d'égal sur le plan continental.

Quand ces trois-là imposent leur mainmise sur la rencontre, leur qualité technique dans les enchaînements et la passe combinée à leur vision du jeu diabolique est une source de souffrance pour ses adversaires autant que de bonheur pour sa paire d'attaquants. Mario Mandzukic (Juventus) et Ivan Perisic (acheté 18M€ par l'Inter à Wolfsburg l'an passé) se délectent donc des décalages créés et des services bien sentis pour faire parler leur sens du but. L'avant-centre nerazurro a ainsi trouvé le chemin des filets à six reprises lors de ses éliminatoires.

Cela fut bien nécessaire pour assurer sa présence à l'Euro. Sa fragilité défensive, matérialisée par la lenteur et le manque de mobilité de ses défenseurs, a été une problématique que son milieu de terrain n'a souvent pas été en mesure de répondre. Ils craquaient également lors du déplacement en Norvège, son adversaire le plus sérieux à la seconde place. A Oslo, ils cédaient par deux fois. Un revers qui compromettait largement son objectif d'une qualification. C'était avant que l'Italie, qu'elle avait tenue en échec à deux reprises, ne s'impose lors de l'ultime journée face aux Norvégiens.

Pénibles vainqueurs de Malte (0-1) dans le même temps, ils s'emparaient finalement du deuxième strapontin pour un petit point seulement. C'est dire combien le point que les instances de l'UEFA leur ont retiré à la suite d'actes racistes de la part de certains de leurs supporters face à la Squadra Azzurra à Split (croix gammée sur le terrain) aurait pu les priver d'une participation à l'Euro. A charge pour les chefs d'orchestre Modric – Rakitic – Kovacic de nous faire oublier ce triste épisode en nous jouant une mélodie enivrante.

JULIEN ROUX

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