L'Irlande est assis sur un volcan. Au propre comme au figuré. Mais si Croghan Hill et Loch Na Fooey ne devraient pas réveiller de sitôt, Martin O'Neill et Roy Keane pourraient bien entrer à tout fusion à tout moment. Le duo explosif qu'ils forment est une promesse autant qu'une limite. Une promesse de chaleur incandescente, transcendante comme un appel à la révolte continuelle. Une limite conséquence directe d'un bouillonnement permanent flirtant dangereusement avec l'implosion. Une alchimie qui se nourrit donc l'imprévisible pour mieux changer les contours de son futur.

La sortie de l'adjoint Keane, après la piteuse défaite de ses joueurs face à la Biélorussie en amical, s'inscrit dans cette dynamique. Plongé dans une colère noire, il avait lâché, vert de rage, un « je voulais en tuer quelques-un » aussi provocateur que rassembleur. Frapper l'orgueil de chacun pour mieux susciter une réaction collective. Ne pas laisser insensible pour mieux tirer la quintessence d'un groupe. C'est, dans un autre registre, ce qui a également animé le manager O'Neill quand, au milieu d'une conférence de presse inhabituellement quelconque, il avait lancé rigolard : «  Des femmes de joueurs dans notre hôtel en France ? Disons que cela dépend de leur beauté. Si elles sont vraiment super attractives alors bien sûr qu'elles sont les bienvenues. Mais j'ai bien peur cependant que les plus laides ne le soient pas. »

Provoquer. Sans cesse provoquer. Pour défier et planter cette fierté du peuple irlandais droit dans le regard de ses adversaires. Patrick Vieira n'a rien oublier. Pourtant réduire la méthode à son penchant borderline ne dirait que peu de choses de ses ressorts. Lors de son intronisation, O'Neill n'avait fait aucun mystère de son goût limité pour la méthode de son prédécesseur. Giovanni Trappatoni n'avait ainsi guère hésité à exporter les principes du catenaccio pour les transposer au contexte irlandais. Avec une réussite toute relative. Pour se défaire d'une tactique jugée trop frileuse et minimaliste, il a imposé la venue du charismatique ancien capitaine de Man United à ses côtés.

Ce dernier n'avait alors pourtant aucune référence. Deux expériences en qualité d'entraîneur principal plus que mitigées à Sunderland et Ipswich n'offraient pas vraiment de garanties. O'Neill n'a eu que faire de son CV convaincu de leur capacité à insuffler à un nouveau vent au sein d'une équipe encore traumatisée par un soir de 2009 qui avait vu les portes de la Coupe du Monde 2010 lui claquer dans les mains. Le duo en avait conscience. Le deuil se prolongerait indéfiniment si un électrochoc n'était pas activé. Il passerait nécessairement par le jeu et une prise de conscience collective. Le fighting spirit n'est pas une condition suffisante pour s'offrir une aventure commune.

Le onze du trèfle s'est donc progressivement réinventé à l'aune d'une organisation résolument plus offensive et d'une volonté de s'appuyer sur la technique de certains de ses éléments (James McCarthy, Jeff Hendrick, Wes Hoolalan) pour élaborer le jeu. Le lifting a parfois semblé imparfait mais la greffe a redéfini une ADN longtemps monocorde. Que sa troisième place, derrière l'Allemagne et la Pologne, traduit. Incroyables de détermination, de ténacité et d'efficacité dans les zones de vérité, les Irlandais se sont offerts la Mannschaft après avoir l'avoir tenue en échec cher elle. Mais ont également souffert face à la pugnacité de leur voisin écossais (un point pris sur six). Avant de valider leur billet pour la France en disposant de la Bosnie en barrages grâce notamment à un doublé de l'inconventionnel Jonathan Walters au retour. Explosion attendue.

JULIEN ROUX

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