Non, la Ligue 1 n'est pas morte !

Les ennuis personnels de Dmitri Rybolovlev avaient contraint l’actionnaire majoritaire de Monaco à revoir sa stratégie sur le Rocher. Par ricochet, le milliardaire russe avait décrété « un changement de projet ». Une bien mauvaise nouvelle pour le football français à l’époque. Directement qualifiés pour la phase de groupes de la Ligue des Champions, on comptait sur les hommes de la Principauté pour contribuer au redressement de l’indice UEFA de la France. Que nenni. Lyon, habitué aux campagnes européennes à rallonge, se perdait, lui aussi, dans les méandres d’un déplacement au fin fond de la Roumanie. Quand ça ne va pas… Ca ne va vraiment pas…

On se disait alors que la morosité ambiante n’était seulement masquée que par la douceur estivale. Elle n’enlevait cependant rien au froid constat qui s’imposait. Notre Ligue 1 confirmait déjà sa dégringolade. Inéluctable. Effroyable. Passée de 2^ème championnat européen au 6^ème rang en l’espace de deux décennies à peine, son rétablissement paraissait une utopie. Oui mais voilà, la 17^ème journée s’est rappelée aux bons souvenirs de tous ses détracteurs. Alors que l’hiver était déjà bien installé et que les âmes impatientes guettaient les fêtes de fin d’annéen, la L1 est venue frapper aux portes. Et réveiller les esprits chagrins. Non, la L1 n’est pas morte.

L’avalanche de buts qu’elle nous a offerte le week-end dernier est le signe que son intérêt demeure intact. Que le jeu est redevenu une priorité. Et que son attractivité pourrait de nouveau sacrément bourgeonner au printemps prochain (on s'enflamme ?). Les acteurs du championnat se sont, en tout cas, donnés les moyens de passer l’hiver avec le sourire aux coins des lèvres. Finis les matchs reportés de dernières minutes pour cause de terrains impraticables. Finis les 0-0 tristounets dans une enceinte sonnant le vide. Un vent de révolte souffle sur les stades de l’élite. Sans que l’on ne sache, à vrai dire, trop pourquoi. Parce que côtés réjouissances, la fin du mois de Novembre ne s’était pas exactement montrée très généreuse.

Entre les affaires de rétrocommissions à Marseille conduisant à la garde de vue de Vincent Labrune (président de l’OM), et la valse des matchs truqués en Ligue 2 dansant jusqu’à la démission des présidents de Nîmes et de Caen, la saison tournait au cauchemar. Le présent de certains des personnages influant du football était rattrapé par leur passé sulfureux. Et c’était tout le futur du championnat de France qui s’inquiétait. Et qui virait même franchement palot à la lecture d’un rapport mandaté par l’Union des Clubs de Professionnels Français (UCPF). Il pointait du doigt les raisons économiques du décrochage de la Ligue 1 dans le paysage de l’élite du football européen.

Pêle-mêle. L’impossibilité pour les dirigeants de gonfler leurs recettes avec l’argent provenant du sponsoring ou de la vente d’alcool (Loi Evin) ou de minimiser leurs dépenses en s’appuyant sur le TPO dans le but de revendre une partie des droits d’un joueur à un fonds d’investissement afin de récupérer des liquidités. Surtout, il rappelait combien la fiscalité héxagonale freinait son développement (notamment depuis l’introduction de la taxe à 75%) et plaçait les clubs dans une situation de concurrence déloyale avec leurs voisins. Petit exemple. Alors qu’en France, le montant des cotisations sociales et patronales s’élèvent à 246 000€ pour un salaire annuel brut de 600 000€, celui-ci ne grimpe qu’à 94 500€ en Angleterre et à 14 900€ en Espagne.

Bref, difficile de blâmer les clubs français pour leur manque d’audace et de flair pour enrôler des joueurs. Il n’empêche. Certains d’entre eux continuent de nous enthousiasmer. Et à voir la volonté de certaines formations à se projeter vers l’avant avec un certain bonheur ne peut pas être un mauvais signe. Les scénarios fous que nous a réservés cette 17^ème journée est une aubaine, une source de respiration. Et dire pourtant qu’on jouait là le 3^ème match en moins d’une semaine. La fatigue ou les pelouses grasses, si souvent évoquées au moment de se dédouaner d’une contre-performance, n’ont pas eu leur mot à dire. On ne va pas s’en plaindre.

Surtout lorque l'on assiste à une ribambelle de scores enflammés (4 matchs se terminant à 3-2). Le Père Noël est passé avant l’heure. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que son traineau était bien garni. 36 buts ! Record de la 10^ème journée de la saison 2012-13 égalé ! Ca a de la gueule. Tout comme le fait de voir Montpellier continuer d’attaquer alors qu’il mène 3-0 à l’extérieur, histoire d’infliger un peu plus de peine à son hôte du soir. Tout comme l’attitude sans cesse positive d’un Sporting Club de Bastia, pourtant lanterne rouge, pour tenter d’arracher un point sur la pelouse de Sainté, quatrième. Signe d’une santé retrouvée, tous les meilleurs artificiers ont également visé juste.

De Lacazette à Ibrahimovic en passant par Gignac, Diabaté et Beauvue. Bien sûr, les grognards mettront volontiers l’accent sur les fautes d’arbitrage ou les manques d’inspiration des hommes en noir c’est selon. Un poil lésés, Der Zakarian et Dupraz l’on fait savoir. On voudrait seulement insister sur un autre constat. Un brin plus significatif. A l’approche de la trêve, la Ligue 1 marche à l’endroit. Alors que Lille s’est quelque peu pris les pieds dans le tapis, voir Marseille, Paris, Lyon, Saint-Etienne, Bordeaux, Rennes et Monaco occupaient les sept premières places du championnat a quelque chose de rassurant.

Non pas que nous soyons les chancres du foot-business vidant du jeu sa quintessence. Non pas que l’on s’offusque de voir une ou deux surprises jouaient les trouble-fêtes, mais cette forme de logique épouse un vent de nouveauté qui ne peut pas faire de mal. Que l'on ne se méprenne pas pour autant, la semaine qui arrive, marquée par la fin de la phase de poules en Ligue des Champions et en Ligue Europa, viendra sévèrement le doucher…

JULIEN ROUX