Marseille, champion d'automne


Pour l'heure, la glacière demeure toujours un mystère. Poupée vaudou en plastique ? Vulgaire caisse de magicien ? Siège pour entraîneur en manque de caféine ? Tout aussi intrigante que fascinante, elle matérialise le renouveau marseillais. Une métamorphose qui doit pour beaucoup à son propriétaire. Pourtant, ce dernier a longtemps donné l’impression d’avoir regretté son choix. Allant même jusqu’à "sécher" les premières séances d’entraînement… Pas de quoi enthousiasmer un environnement local déjà passablement échaudé par un exercice précédent sans saveur. « Pas d’entraîneur à la reprise, c’est du n’importe quoi. » assène-t-on dans l’entourage du club. Bonjour l’ambiance.

Celle-ci s’enveloppe même d’une bonne dose de scepticisme après les deux premières journées de championnat. Tenu en échec à Bastia puis balayé par Montpellier au Vélodrome, l’OM semble être rattrapé par les démons qui l’avaient hanté la saison dernière. Plus inquiétant encore, les joueurs renvoient l’image d’un groupe émoussé physiquement et perdu tactiquement. L’arrivée de Bielsa qui promettait un changement radical renvoie alors l'image d’un vulgaire effet d’annonce. Une sorte de pschitt sans lendemain. Les impatients allaient vite réviser leur jugement un brin hâtif.

Au soir de la sixième journée, au cœur d’une série de 8 succès de rang, les Phocéens s’emparaient du fauteuil de leader pour ne plus le lâcher et ainsi s’offrir le titre honorifique de champion d’automne. Pour la huitième fois seulement de leur histoire. Lors des sept précédents, ils avaient été sacrés champions à quatre reprises. On a connu statistique plus ombrageuse. « Terminer champion d'automne, c'est avant tout quelque chose d'anecdotique, soulignait « El Loco » après la victoire marseillaise sur Lille. C’était avant tout une récompense pour les joueurs qui ont consenti beaucoup d’efforts pour cela. » En effet, tous les joueurs sont unanimes. La méthode de l’argentin est exigeante au quotidien. Et implique un état d’esprit irréprochable.

Dimitri Payet, pourtant meilleur phocéen lors de la phase aller, n’a fait l’objet d’aucun passe-droit. Son manque d’implication a ainsi été illico sanctionné par son entraîneur qui l'a mis à l’écart pour la réception de Lille. Les longues séances d’entraînement, méthodiquement préparées par la ribambelle de ses adjoints, ont ainsi des allures de « classe de math élémentaire en plein cours. Ce qui m’a frappé le plus, ce n’est pas les exercices effectuées, c’est le silence sur le terrain et la concentration des joueurs », précise Guy Roux. Au cœur de l’été, la préparation physique avait déjà permis à Bielsa d’asseoir son autorité et ses principes de jeu.

« Je vois chaque match avec le même regard : indépendamment de notre position au classement et du calendrier, souligne l’Argentin. Je vais chercher la victoire à chaque fois, et cela prévaut sur tout le reste. » Pressing étouffant et projection vers l’avant constante sont érigés en valeur cardinale. Une philosophie qui s’accorde donc mal d’une condition physique imparfaite. Symbole de cette transformation athlétique, Gignac, une taille de maillot en moins, insiste sur le travail effectué durant la semaine. « On souffre tellement à l’entraînement que le week-end, arrivés en match, on se lâche. »  Premier défenseur de son équipe, APG n’affiche pas seulement un réalisme offensif de ses années toulousaines, is harcèle également sans retenu la première relance adverse.

Nul doute que le début de match face à Reims synthétise à merveille la nouvelle identité de l’OM. L’intensité, la détermination et l’inspiration en phase offensive ont broyé des Rémois décontenancés. Alors que Gignac voyait son pénalty repoussé par le portier champenois, le buteur olympien trouvait l’ouverture dans la continuité de l’action à la suite d'une récupération haute et d'une rapidité d’enchaînement dans les couloirs. Score final sans appel : 0-5… « Bielsa, on le sent tout le temps déterminé, sans aucune faiblesse, témoigne l’international français. Son plan de jeu, c’est attaque, attaque, attaque, attaque… Et nous, on y prend beaucoup de plaisir.

Dithyrambique, l’entraîneur messin, Albert Cartier, va plus loin : « Beaucoup de coachs prônent l’exigence, la rigueur, mais cette équipe-là a quelque chose de plus. Elle montre du respect. Pour ses adversaires, ses supporters, son histoire mais aussi pour l’esprit du football. Les joueurs veulent gagner mais sans arrogance ni agressivité : ils sont dans l’humilité et la volonté. Ce comportement, c’est Bielsa qui l’insuffle.»

Un avis pas totalement partagé toutefois par son défenseur, Sylvain Marchal : « Il (Bielsa) ne regarde pas les gens, il s’assoit sur une glacière alors on parle beaucoup, assure le capitaine lorrain. Mais, à l’OM, il a trouvé une équipe qui avait envie de rebondir après une mauvaise saison, des jeunes joueurs qui avaient tous digéré leur première année (Imbula, Dja Djéjé, Mendy) à Marseille, d’autres qui sont en fin de contrat cet été (Gignac, Ayew). C’est un ensemble. S’il reste et qu’il fait aussi bien l’an prochain, là, on verra vraiment la patte Bielsa. » Son empreinte n’attendra certainement pas la saison prochaine pour s’imprimer durablement. Ou s’estomper sensiblement...

La première partie de saison marseillaise a en effet été aussi marquée de quelques tâches qui pourraient sacrément noircir le bilan de l’Argentin. Qu’adviendra-t-il quand le groupe réduit de l’OM sera impacté par les blessures ? Comment Bielsa répondra-t-il aux absences de Nkoulou et Ayew durant la CAN ? Son système de jeu résistera-t-il à un coup de moins bien physique de son groupe ? Les Marseillais sauront-ils se montrer plus performants lors des confrontations directes (défaites face à Paris, Lyon et Monaco et victoire contre Saint-Etienne) ? Resteront-ils imperméables à l’instruction judiciaire menée à l’encontre de certains des dirigeants passés et présents du club ? Des réponses apportées à ces interrogations élucideront sans doute le mystère de la glacière bleue.

JULIEN ROUX