Ben Arfa signera ? Signera pas ?

Tout compte fait, on en viendrait presque à se demander si tout cela n’a pas été orchestré de toute pièce. Tout cela ? C’est l’imbroglio juridique, aux allures de situation ubuesque, dans lequel est embourbé Hatem Ben Arfa. Encore lui ? On entend déjà les esprits chagrins gémir des airs de déjà-vu. Ils se méprennent. Cela reviendrait en effet à minorer le sens du renouveau de cet écorché vif. Son génie créatif n’en finit jamais de nous dribbler. Quand il se ne dribble pas lui-même pour se perdre dans les méandres de l’incompréhension. Comme s’il prenait un malin plaisir à nous émerveiller et à nous irriter dans le même élan. Une étrange sensation, qui vous laisse un goût d’aigre-doux dans la bouche comme celui d’une histoire avortée sans qu’elle n’ait vraiment commencé.

« Je suis profondément déçu, déplore amer Steve Bruce, l’entraîneur de Hull City. Car nous l’avons pris en fondant beaucoup d’espoirs sur lui. Il n’y a eu aucune prise de bec ou engueulade entre nous. Seulement, sa façon de concevoir le jeu ne correspond pas à la mienne. C’est la même chose dans chaque club, il est nécessaire d’avoir une éthique de travail particulière pour faire partie de l’équipe. J’espère qu’Hatem prendra en compte ce que je lui ai dit parce que son talent est là. Mais sans travail, cela signifie rien et surtout pas que tu exploiteras complètement ton potentiel. » A l’instar d’Alain Perrin, Eric Gerets, Didier Deschamps ou encore Alan Pardew, le manager des Tigers s’est heurté à l’évidence.

Aucun coach ne parvient à tirer sur la durée la quintessence de ses qualités techniques. Sa dernière expérience outre-Manche a même viré au fiasco quand les dirigeants de Hull lui ont fait savoir qu’ils mettaient fin à son prêt de manière prématurée. En froid – et c’est un euphémisme – avec Pardew, alors encore à la tête des Magpies, son retour à Newcastle n’est tout simplement pas une hypothèse envisageable. A l’inverse d’un retour en Ligue 1. Seulement, son niveau physique, son implication et son acceptation par un vestiaire n’invitent pas franchement à un optimisme béat. Pas de quoi effrayer l’OGCN et Claude Puel pour autant.

« J’ai été en contact avec Mathieu Bodmer, que je connais bien, on a discuté et il en est venu à me demander si ça pouvait m’intéresser de venir à Nice, précise l’ancien international français au moment de sa signature (13 sélections avec les Bleus). J’ai réfléchi. J’ai également discuté longuement avec  Julien Fournier (le directeur général du club) avec qui j’avais eu de très bonnes relations à Marseille et qui m’a appelé. C’est quelqu’un en qui j’ai confiance, et j’avais besoin de cet encadrement. Ici, il y a des gens qui me font confiance, qui ne me jugent pas comme soi-disant les gens veulent me juger à travers la presse. J’ai aussi vu le coach, ce fut très important. J’ai bien aimé son intégrité, son approche du foot et au bout de dix minutes, mon choix était fait. Même si le Real était venu à ce moment-là, mon choix était fait. »

Sans doute, les dirigeants madrilènes ne se sont pas manifestés pour s’éviter un remake à la Di Stefano. Le génial attaquant n’avait pu empiler les buts à son arrivée dans la capitale espagnole. La raison ? Son contrat n’avait pas été homologué par la FIFA. Cette dernière n’autorisant pas « un joueur à être enregistré auprès de plus de trois clubs successifs lors d’une période allant du 1er juillet au 30 juin de l’année suivante. » Le Gym avait bien connu pareille mésaventure avec Stéphane Bahoken quelques mois auparavant. Mais visiblement il était bien plus préoccupé à s’affairer au clinquant de la présentation officielle de Ben Arfa qu’à se plonger dans la paperasse relative au contrat international de transfert. Résultat ?

L’ancien Lyonnais pourrait ne jamais porter les couleurs niçoises en dépit d’un bail qui court jusqu’en 2016. D’autant que la FFF, décidément encline à se montrer pointilleuse, à solliciter l’avis consultatif de la FIFA afin de trancher le litige. Et ses premières conclusions ne tracent pas les contours d’une issue positive. Pas vraiment du goût du président niçois. Jean-Pierre Rivière, particulièrement lassé et remonté, entend en effet s’appuyer sur un document fourni par la fédération anglaise pour contester le caractère officiel de la rencontre jouée par Ben Arfa avec les U21 de Newcastle contre Reading avant son départ pour Hull. Pas sûr néanmoins qu’il trouve un quelconque soutien auprès de ses homologues français. Et particulièrement auprès de Loïc Féry.

« Plusieurs clubs nous ont alertés sur les failles de ce dossier, dont Lorient qui était prêt à déposer une réserve le week-end dernier », relève le directeur juridique de la FFF, Jean Lapeyre. Des propos qui n’ont pas manqué de provoquer le courroux et l’indignation d’Arnaud Tanguy. « On n’a dénoncé personne, on n’a balancé personne, s’insurge le directeur général du club breton. Dans le cadre du mercato, on a étudié des pistes. Notamment des profils qui jouent en Angleterre, qui ont pu porter différents maillots, alors on a pris des renseignements auprès de la Ligue, qui nous a déconseillés d’aller sur ce terrain. En nous expliquant qu’il y aurait un risque de non-homologation de contrat. » 

En charge de ces problématiques à la Ligue de Football Professionnel en tant que président de la commission juridique, Hervé Soulier n’a, lui, rien trouvé de mieux que de sortir de son droit de réserve. Si les ressorts de son intervention se veulent plutôt mystérieux pour ne pas dire personnels, le sens de celle-ci ne laisse place à aucune équivoque. « Si la réponse de la FIFA est négative, il n'a plus qu'à attendre quelques mois, affirme Soulier Et très franchement, il a les moyens de subvenir à ses besoins pendant cette période de chômage. Je voudrais que tous les chômeurs français aient un contrat en poche. »

Un brin populiste et provocateur à dessin, le propos s’apparente volontiers à un règlement de compte. Bien malgré lui, Ben Arfa semble donc rattrapé par son passé. Et payé son image d’enfant gâté et turbulent. Un délit de sale gueule dont « son » entraîneur préfère s’amuser. « Depuis qu'il est arrivé, on a gagné tous nos matches, ironise Claude Puel. Il va rester dans cette situation jusqu'à la fin et on va gagner tous les matches. Son arrivée a apporté de la fraicheur au groupe. Malgré sa non-qualification, on a travaillé différentes solutions et plusieurs systèmes pour l'intégrer, et cela profite aux autres. » Et si Ben Arfa n'avait-il jamais eu l'intention de signer à Nice ?

JULIEN ROUX

NDLR : La LFP a fait part de se demande à la FIFA de rendre une décision officielle, et non un simple avis consultatif comme elle lui avait premièrement demandé, avant de se prononcer elle-même. La FIFA s’est prononcé contre l’homologation du contrat d’Hatem Ben Arfa à l’OGC Nice. Une décision validée et entérinée par la LFP. Ben Arfa ne portera donc pas le maillot de Nice jusqu’à la fin de la saison.