LeFoot.fr : Actus, Live, Résultats, Vidéos & Stats
LeFoot.fr

La passion du football depuis 2001

NOUVELLES SPORTS - LIGUE 1
J28 : LE Joueur
J28 : LE Joueur

Diego Rolan


A son arrivée à Bordeaux, son nom ne dit rien à personne. Pas même à Charles Camporo, ancien directeur sportif des Girondins et aujourd’hui observateur au Brésil pour le compte de clubs européens. « Non, je ne le connais pas !, lâche-t-il alors, honnête. Je ne suis allé à la Sudamericano (équivalent de l’Euro U20 en Amérique Latine) et j’ai appris que Bordeaux s’intéressait à ce joueur en lisant les médias français. En tout cas, ce n’est pas moi qui l’a conseillé à Bordeaux. » Pas faux puisque c’est Thierry Bonalair qui l’a repéré dans un tournoi triangulaire au fin fond de l’Argentine.

A en croire cet autre agent spécialisé dans le marché sud-américain, le renseignement a des faux airs de tuyau percé. « C’est un joueur longiligne, plutôt fin techniquement, précise-t-il. A l’image de l’excellent chilien Castillo, Rolan a claqué pas mal durant la Copa America U20 mais ses buts, il les a inscrits à 50% sur penalty.  En m’avançant un peu, je pense qu’il aura un peu de mal à s’adapter à un championnat très physique comme celui de la Ligue 1. » Pas franchement le portrait-robot de celui en mesure de remplacer dans l’immédiat Yoan Gouffran, le meilleur buteur aquitain parti garnir le contingent, déjà bien fourni, de français à Newcastle.

C’est pourtant le défi qui est proposé à cet Uruguayen, sorti de nulle part ou presque. Les dirigeants bordelais fondent cependant pas mal d’espoirs sur ce môme de 19 ans en déboursant pas moins de 2,8 millions d’euros. Sa première titularisation en février face à l’Olympique Lyonnais n’annonce rien de bon. Si ce n’est qui leur faudra être patient avant de pouvoir espérer un quelconque retour sur investissement. En retard sur tous les duels et à contretemps dans ses appels, il semble errer comme une âme en peine. Le calvaire ne dure finalement qu’une demi-heure. Le temps pour lui de se donner une entorse à la cheville.

« Je me souviens très bien de ce match, se remémore Diego Rolan. Je me sentais un peu perdu sur le terrain, parce que les défenseurs, ici, sont plus costauds. A ce moment-là, je suis me dit : « Oh putain, c’est quoi ça ? ». L’idée de ne pas continuer m’a même un peu traversé l’esprit. » Le doute sur ses capacités physiques et ses aptitudes mentales s’insinue vraiment lorsqu’il se blesse à nouveau à la cheville quelques semaines plus tard. Bref, ses quatre premiers mois en Gironde, il les passe principalement à l’infirmerie à fortifier une articulation récalcitrante.

Une douleur qui ne serait pas étrangère aux décisions du staff technique de Francis Gillot selon Jérôme Bonnissel. « Des erreurs stratégiques, comme le faire jouer sous la neige à Kiev quelques jours après avoir disputé la Copa America par 40 degrés et 80 % d'humidité, ont été commises au début avec Diego Rolan, souligne l’actuel responsable de la cellule recrutement du club. On a demandé des trucs inconcevables à ce gamin quand il est arrivé, seul, à Bordeaux. » Dans un effectif qui ne parle que très peu l’espagnol, son adaptation n’a pas grand-chose à voir avec un séjour bien-être du côté de la dune du Pilat. La barrière de la langue et son caractère introverti l’obligent à forcer son naturel. En vain.

« C’est très difficile surtout pour les attaquants comme lui, défend le rugueux arrière central brésilien, Carlos Henrique. Il n’est pas très costaud ni très grand. Il aime prendre la profondeur mais en France, comme les défenseurs sont très costauds, il a un peu de mal à supporter ça. C’est dommage car pendant les entraînements, il fait des supers choses malgré son jeune âge. Comme il est timide, c’est plutôt moi qui vais vers lui et de par mon positionnement sur le terrain, je lui explique comment faire ses appels et ce qu’il ne doit surtout pas faire. » L’apprentissage n’en demeure pas moins long. Et dans un milieu où la patience est une vertu de plus en plus oubliée, le temps joue contre lui.

Certains, à l’image d’Alain Bénédet, se refuse cependant au jugement hâtif et à verser dans la sinistrose. « Moi j’y crois, rétorque l’adjoint de Francis Gillot. Etre arrivé au mois de janvier dans la situation où on était, ce n’était pas évident pour un jeune totalement dépaysé. Il va revenir avec plus de sérénité et je pense qu’il se mettra davantage dedans. Dans la finition, il est très adroit. Maintenant, il va falloir savoir l’utiliser au bon moment. Il a un profil de joueur malin qui sait se faire oublier. Pour son âge, je le trouve très malin dans ses déplacements. Et il pose des questions et reste très à l’écoute. »

Sa volonté et son envie d’apprendre ne suffisent plus. Ses lacunes se prolongent ainsi lors de la saison suivante. Les quolibets fleurissent alors ça et là dans les travées de Chaban Delmas. Leur écho résonne jusqu’au Haillan où des voix s’élèvent pour le comparer au Colombien Edixon Perera. Son nom ne vous dit certainement rien. C’est bien ça le problème. Il est vrai que le passage éphémère du Colombien a favorisé l’amnésie à son endroit. Une trajectoire qu’empruntait trait par trait Diego Rolan. C’était avant que le discours du nouveau coach bordelais, Willy Sagnol, ne le transforme.

Lui qui s’est également astreint depuis l’intersaison dernière à des séances supplémentaires en salle afin de renforcer son corps et de lui permettre d’encaisser plus facilement les coups et autres charges de ses adversaires directs. « ll va en surprendre plus d’un, prédit son capitaine, Lamine Sané. Je lui ai rabâché d’aller à la muscu, il est plus épais maintenant. Il a mûri et passé un cap. Il se procure des occasions. » Notamment grâce au plan de jeu mis en place par l’ancien sélectionneur des Espoirs.

Plus ambitieux que son prédécesseur et profondément marqué par son passage en Allemagne, Sagnol est enclin à donner des libertés à ses joueurs sur le terrain. En cherchant à les responsabiliser, il attend d’eux qu’ils prennent confiance en leurs qualités afin de favoriser leur expression individuelle. Un message, plein de fraîcheur, qui a l’effet d’un déclic dans la tête de Rolan. Transfiguré, métamorphosé, il respire d’une confiance nouvelle. Et son visage s’est illuminé d’un sourire renseignant d’un plaisir retrouvé, et d’une joie non feinte de s’épanouir enfin à Bordeaux.

Il faut dire que depuis son doublé face à Caen, il est devenu le meilleur buteur bordelais cette saison avec 9 réalisations. Une réussite actuelle qui a également tapé dans l’œil d’Oscar Tabarez, le sélectionneur national, qui l’a retenu pour la première fois pour une rencontre amicale face au Japon. « L’espoir d’évoluer avec le maillot de la Céleste habite chaque joueur uruguayen, reconnait-il. J’ai travaillé pour ça. Donné le maximum. C’est un bonheur et un honneur d’en faire désormais partie. Même si être appelé a constitué une vraie surprise pour moi. » Pour les autres aussi.

JULIEN ROUX

2015-03-10 14:00:35
Suivez toutes les compétitions avec LeFoot.fr