Divock Origi


C’est un poncif en même temps qu’une réalité des temps modernes. La starification a des allures de rollercoaster émotionnel. Comprenez par là, que la lumière se pose sur vous aussi vite qu’elle se tapit derrière votre ombre. Sans vraiment se soucier des effets plus ou moins immédiats que l’un ou l’autre de ces faisceaux lumineux entraine. Le monde du football n’échappe pas à ce tourbillon des projecteurs. Et reflète même cette tendance avec un éclairage démultiplié. Prenez le cas de Divock Origi par exemple.

Propulsé sous les feux médiatiques en raison de sa présence parmi les 23 Diables Rouges ayant pris la direction de la Coupe du Monde au Brésil, il fut par la suite victime d’une éclipse longue de six mois. La faute à un mutisme interminable, avant, enfin, de faire une réapparition, aussi soudaine que fracassante, par la grâce d’un triplé que l’on ne soupçonnait plus. Le tout à seulement 19 printemps. Bonjour le yo-yo. A se demander parfois qui en tire la ficelle. Est-ce le joueur au gré de ses performances ? Son environnement sensible à la moindre variation du vent ? Ou son club enclin à préserver son équilibre financier ?

Celui de son employeur, largement déficitaire à la fin de l’intersaison précédente (16,4 millions d’euros de perte cumulée), n’est pas étranger à l’encéphalogramme, version montagne russe, de sa saison. Etranglé par des finances exsangues, le LOSC n’a d’autre choix que de se séparer de ses actifs les plus sollicités sur le marché. Origi fait partie de ceux-là. Liverpool, vitaminisé par le pactole issu de la vente de Luis Suarez à Barcelone, se positionne très vite. Et acquiert les droits de l’international belge contre un chèque aux alentours des 13 millions d’euros avant de le céder pour une saison à son club formateur. Pas le temps de prendre l’avion du retour qu’il découvre le portrait dithyrambique brossé par son futur entraîneur - si ce dernier n’est pas démis de son fonction d’ici là.

« Selon moi, il a le potentiel pour devenir l’un des meilleurs talents au monde, prophétise Brendan Rodgers. J’en ai l’intime conviction. Je l’ai vu à de nombreuses reprises lors des deux dernières saisons et je peux vous assurer que si ce gamin est placé dans un cadre propice à son épanouissement alors il deviendra un joueur de classe mondial. Aujourd’hui déjà, il a tout. Il est rapide, techniquement très doué, agressif et possède surtout l’humilité pour progresser en travaillant dur. Ce que j’ai vu à la Coupe du Monde a fini de me convaincre. » Appelé de dernier minute suite au forfait de Christian Benteke, Origi surprend par son aptitude à se fondre dans le groupe.

« Quand on a 19 ans et qu'on débarque dans un groupe avec autant de joueurs exceptionnels, j'imagine qu'on doit être un peu impressionné, mais il ne l'a pas trop montré, témoigne Vincent Langendries qui suit l’équipe nationale belge pour la RTBF. Il traverse les événements avec une facilité incroyable. C'est très agréable d'être à son contact, il est souriant, mais aussi timide et assez renfermé. Il l'avoue aisément d'ailleurs : ce n'est pas un extraverti de nature ! » Cela ne l’empêche pas de s’immiscer dans le onze titulaire alors que Lukaku est touché par une terrible crise de confiance. La sienne est à son paroxysme après avoir délivré les siens face à la Russie. Devenant ainsi le plus jeune buteur belge lors d’un Mondial !

Le phénomène Origi est en marche. Son début de saison ne dévie en rien sa trajectoire. Et son efficacité flotte à des standards qu’on ne lui connaissait pas. Avec trois buts et un passe décisive lors de ses quatre premières titularisations, il marche sur l’eau. Avant de sombrer. Dans des proportions abyssales. « C’est dans ces moments difficiles qu’il va grandir plus vite, tempère Marc Wilmots, son sélectionneur. Tous les joueurs passent par là. Tout le monde attendait beaucoup de Divock, mais il n’est qu’au tout début de sa carrière ! C’est logique qu’il ait du mal à digérer l’attente née de sa bonne Coupe du Monde. »

Un avis partagé par son coach en club. « C’est évident qu’il peut beaucoup mieux faire, précise René Girard. Mais, il faut prendre le dossier dans sa globalité. Depuis le début de la saison, Divock traîne comme un boulet son transfert à Liverpool. Dès qu’il rate un match, on dit qu’il a la tête ailleurs. On lui a aussi collé une autre chape de plomb, celle d’être le successeur tout désigné de Salomon Kalou (parti au Hertha Berlin). » Celui-là même qui l’avait affectueusement surnommé « Baby Kluivert ».

Mais qui lui avait également confié, avec son départ, la lourde tâche de devenir l’atout majeur (l’unique ?) du système offensif lillois. Un rôle auquel il n’était pas préparé. Et qui a sans doute participé de la réflexion des dirigeants de Liverpool de le rapatrier six mois avant la fin initial de son prêt. Une offre de 6M€ hors bonus avait été transmise en ce sens sur le bureau de Michel Seydoux. Elle sera restée lettre morte. A la différence de la disette de Divock Origi qui prendra fin après…1277 minutes. Et de quelle manière.

Avec un triplé plein d’autorité face à Rennes comme pour évacuer des mois de frustration. « J’avais beaucoup de choses à digérer, se justifie-t-il. Mon transfert, les responsabilités qu’on me donnait. C’était beaucoup. J’ai aussi perdu un pote Junior Malanda*, et puis ma grand-mère il y a deux jours… J’ai eu du mal à sortir de cette période difficile. J’ai pas mal gambergé, mais je me suis dis que ça faisait partie de mon apprentissage. J’ai bossé comme un fou. Ça a pris quelques semaines, mais ça a payé. Je crois même que j’ai besoin de ça pour grandir mentalement afin d’encaisser les critiques quand ça va mal et de vivre avec les compliments quand tout va bien. » Bien conscient que son rollercoaster émotionnel n’était pas prêt d’en finir avec ses hauts et ses bas.

JULIEN ROUX

* Jeune joueur belge qui évoluait à Wolfsburg avant de décéder tragiquement à la suite d’un accident de voiture en janvier dernier.