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J30: LE Joueur
J30: LE Joueur

Michy Batshuayi


Sa frimousse amusée se détache de la grisaille bruxelloise. Son sourire, empli de malice, illumine le square du « parc de l’Eléphant ». Ses petites dreadlocks finement ciselées racontent, elles, l’histoire d’un jeune homme un brin rebelle. Au tempérament affirmé et à l’ambition débordante. C’est ici, au milieu de ces bars d’immeuble difformes, que ce diablotin de Michy Basthuayi s’est construit. Dans un quartier où les apparences sont parfois trompeuses. Et pas seulement en raison de cette statue, jaunie par le temps et posée en son centre sans que l’on ne sache vraiment trop pourquoi, qui a donné son nom au lieu.

« Bruxelles, c’est pas les favelas mais c’est pas Genève non plus. Le décor, il est beau, mais derrière la peinture, c’était pas toujours simple », se remémore Andrea Mutombo, qui jouait à l’époque le rôle de grand-frère pour les jeunes du coin. « On se rend compte aujourd’hui qu’on était très seuls, en fait. On avait des familles nombreuses et pour nos parents, c’était pas simple », estime pour sa part Jardet Matari, l’un des rares à ne pas avoir percé*, foudroyé par une tuberculose. Ses baskets, rongés par le synthétique d’un autre temps, disent beaucoup des combats endiablés qu’ils s’adonnaient quotidiennement. Ou presque.

« On arrivait l’après-midi, poursuit-il. T’avais vingt-cinq, trente équipes. Le principe était simple : tu gagnes, tu restes ; tu perds, t’attends deux, trois heures avant de pouvoir rejouer. Ces matches-là, au parc, c’était le plus important. Le vrai foot, il est là ! C’était intense, dur, il y avait des duels. C’est là qu’on devait prouver notre « street credibility ». » Là que Basthuayi s’est forgé une culture footballistique. Une personnalité aussi. Sorte de fusion détonante, alliage de son sac à dos « Bob l’éponge » dont il ne se sépare jamais et de ses baggys XXL invitation au voyage. Le sien va l’amener du côté d’Anderlecht et de son centre de formation.

L’expérience tourne court. La faute à une attitude guère en adéquation avec la politique de l’académie des Mauves. « Je me souviens d’un attaquant puissant, avec pas mal de vitesse, techniquement doué, détaille Jean Klindermans, le directeur des lieux. Mais Michy avait ses propres règles, qui ne collaient pas avec celles de l’école et de notre club. Il était individualiste, perturbateur au sein d’un groupe. » « Il avait un caractère un peu rebelle, tête brûlée. Un comportement finalement assez classique à cet âge-là », précise Yannick Ferrera, son entraîneur chez les moins de 14 ans. Son goût prononcé pour la provoc’ ne s’altère cependant pas.

En signe de défi, il s’en va chez le rival honni, le Standard de Liège. L’histoire semble à nouveau balbutiait. Seul son talent hors norme le sauve d’un énième renvoi. Une fois encore, son attitude réfractaire à l’autorité entame sérieusement la patience de ses éducateurs. « On a vite entendu parler de lui car il était rebelle, se souvient Pierre Locht, team-manager du club liégois. Mais à chaque bêtise, il a reçu une punition, comme entretenir le terrain avec les jardiniers. » Ou de faire le tour du centre de formation pour y ramasser les détritus…

La liste est longue. Aux tentations multiples se succèdent les sanctions multiformes. Rien ne semble y faire. « Ses détracteurs ont été très nombreux à un moment donné, se souvient Thierry Verjans qui l’a eu sous ses ordres. Un jour on me dit : « Ca y est, cette fois, il est dehors ». Il avait dérobé un truc ou quelque chose comme ça. J’ai dit : « On fait une connerie ». Moi je voyais un gamin avec énormément de gaieté, de joie, à l’affût d’une petite bêtise. Il avait ce côté fantaisiste qu’on pouvait interpréter comme de l’arrogance. Un jour, il m’a sortir : « Quand je m’ennui, je fais des bêtises ». »

Son arrestation avec une arme factice dans le coffre de sa voiture en octobre 2013, ou encore son invitation adressée à de jeunes demoiselles lors d’un rassemblement avec les Diablotins (surnom de la sélection Espoirs belge) ne disent pas vraiment le contraire. Et ne participent pas non plus à polir une image déjà bien écornée par un passé sulfureux. Alimenté également par l’omniprésence, parfois nauséabonde, de son père. A vouloir se détacher de cette figure tutélaire, Michy a ainsi tâtonné sur le chemin de son émancipation. Jouant souvent avec les limites. Pour les repousser et s’affranchir de cette ingérence quelque peu excessive. Qui se traduisait jusqu’en juin dernier par l’obligation pour les dirigeants du Standard de verser le salaire de Batshuayi sur le compte de ses parents.

« Il a un entourage, c'est de la nitroglycérine, précise Vincent Labrune, le président de l’OM qui avait été rencardé sur ses qualités par un officiel belge de l'UEFA en marge du déplacement de son équipe à Dortmund en Ligue des Champions la saison passée. Entre les parents, les oncles et l'agent belge (Christophe Henrotay), c'était un sac de noeuds. Personne ne s'entendait et ça a impacté très fortement les performances du joueur. Entre janvier et mars dernier, il ne mettait plus un but. » Il finira même pas manquer les play-offs avec son club. Et la Coupe du Monde…

Marc Wilmots, effrayé par ses écarts, lui ayant finalement préféré Divock Origi. Il reverra son jugement en mars dernier. Après notamment que Basthuayi ait rongé son frein sur le banc marseillais et surtout fait le ménage dans son entourage. « Messa N'Diaye (agent français, proche de Labrune) s'est mis au milieu car il avait Vainqueur et un autre joueur au Standard de Liège, précise Labrune. Il a réussi à récupérer le joueur en obtenant des parents qu'ils ne s'immiscent pas dans les discussions avec nous. Ça lui a coûté de l'argent, il a fait des procès, mais c'est son problème. Dans les faits, ça nous a aidés. Avec Meissa, qui est intelligent, comme interlocuteur, c'était carré. »

Avec les Diables Rouges également. Enfin discipliné, « Batsman » n’a pas tardé à enfiler ses habits de super-héros en marquant trois minutes après son entrée en jeu. Une réussite similaire à celle qui traverse actuellement en club. Contre Saint-Etienne, il avait scoré pas moins de 55 secondes après son apparition. A Toulouse, il ne lui avait fallu que 96 secondes. Face à Lens, il s’est encore montré prompt à trouver le chemin des filets. 38 secondes lui ont suffi. Résultat, il vient d’inscrire 3 doublés consécutifs en déplacement. Et possède le meilleur ratio parmi les attaquants du championnat de France devant Lacazette et Ibrahimovic.*

Une façon de prouver aux dirigeants marseillais qu’ils ne se sont pas trompés en réglant, à l’été dernier, un chèque de 7 millions d’euros au Standard et en lui offrant un contrat de 5 ans à 150 000€ mensuels afin d’anticiper et de préparer l’après-Gignac. « Il est meilleur… quand il veut, assure son ancien coéquipier Igor de Camargo en Belgique. Il ne veut pas toujours. J’ai toujours essayé de l’aider à faire attention aux petits détails. Mais il n’a pas toujours écouté. » « Vous ne le changerez jamais complètement, » prophétisait il y a deux ans l'un de ses anciens agents. Ce diable qu’est devenu Basthuayi lui répondrait certainement sur un ton bravache que « non »…

 
JULIEN ROUX

* Après 30 journées, Batshuayi poosède le meilleur ratio de buts marqués par nombre de minutes passés sur le terrain avec un goal toute les 90 minutes. Alexandre Lacazeete est second avec un but toutes les 97 minutes et Ibrahimovic est 3e avec 1 but toutes les 102 minutes.

2015-03-31 14:16:41
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