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J32 : LE Joueur
J32 : LE Joueur

Anthony Martial


Heureux qui comme « Ulis » s’offre une Odysée de celle que Thierry Henry n’aurait pas reniée. Le mentionner, c’est bien souvent inviter à la découverte de ses contrées britanniques nichées de l’autre côté de la Manche. C’est un chemin que n’a pas encore emprunté Anthony Martial. Peut-être ne verra-t-il jamais ce coin d’Angleterre. Pourtant, cela ne l’empêche pas de marcher dans les pas du meilleur buteur de l’histoire d’Arsenal. Pour s’en convaincre, il faut remettre les pieds là où tout a commencé. Dans cette cité des Ulis où l’horizon se heurte à ces bars d’immeubles difformes.

Coincés dans ce décor gris de chagrin, Henry et Martial ont tout deux façonné leurs lendemains. Et le second filé une ressemblance avec le premier. « Quand il était petit, on l’appelait Thierry Henry, se marre Johan, son frère et défenseur central de Brest. Pour le style de jeu mais aussi pour la forme de sa tête : il avait une tête un peu grosse. » Boutade à part, la comparaison est flatteuse. D’autant qu’elle ne se circonscrit pas seulement au cercle familial. « Il possède cette capacité à partir de très loin comme Henry, corrobore Pierre Mankowski, l’actuel sélectionneur des Bleuets. Il dégage une puissance et une accélération incroyables. »

Des caractéristiques qu’il a développées tout jeune. « Il est arrivé à 5-6 ans, et à cet âge-là, les gamins foutent le bordel, se souvient Mahamadou Niakaté qui a évolué aux côtés d'Henry et vu Martial grandir dans le club du quartier. L'école de foot, c'est limite une garderie plus qu'un entraînement. Lui, pas du tout. Il venait là pour jouer au foot. Il savait déjà taper dans un ballon, il était plus attentif que les autres. Et il a très vite évolué dans un rôle similaire à celui de Thierry. Henry allait super vite, mais il était aussi beaucoup plus grand que les autres alors qu'Anthony faisait la même taille que les autres malgré sa puissance et sa vitesse. Donc il passait plus inaperçu. »

Pas pour tout le monde selon Jean-Claude Sadou, l’entraîneur des Ulis. « A 13 ans, il y avait plus de recruteurs au stade que de parents. On parlait d’un phénomène. » Qui a rapidement affolé les scouts de l’Europe entière. « A 14 ans, il visitait les installations de Manchester City, précise son agent Philippe Lamboley. A 16 ans, il signait son premier contrat pro. A 17 ans et un jour, il entrait en jeu en Coupe d'Europe… Anthony a toujours été habitué à ce que tout se passe assez vite. » Son premier transfert majeur s’est lui aussi réglé en quelques jours. L’Olympique Lyonnais, son club formateur, étant dans l’obligation de réaliser une vente significative avant le 30 juin, date de clôture des comptes de la saison 2012-2013.

En difficulté financière et face à l’intransigeance de Bafétimbi Gomis, refusant malignement toutes les propositions extérieures, la direction rhodanienne doit finalement se résoudre à laisser filer son prodige, auteur de 31 réalisations en 21 apparitions lors de sa deuxième saison en U17. « Cela s'est fait assez rapidement, se remémore Rémi Garde, l’entraîneur de l’OL à l’époque. Personne au club ne pensait qu'il partirait alors qu'il y avait d'autres joueurs sur la liste des transferts. Le président m'a expliqué la nécessité économique de le vendre. Il a fallu accepter ce transfert à défaut d'un autre départ. J'aurais pourtant aimé travailler plus longtemps avec lui. »

Des regrets partagés par une grande partie des suiveurs lyonnais. Certains d’entre eux s’en prennent même directement au président lyonnais sur Twitter. Sa réponse est cinglante. « Ce n'est pas uniquement 5M€, mais c'est aussi un intéressement sur la  revente éventuelle. Et surtout c’était à contrecœur, mais obligé ! », confie alors Jean-Michel Aulas sur le réseau social à l’oiseau avant de préciser plus longuement sa pensée. « Je comprends tout à fait la réaction des gens qui se disent, sans savoir : "Comment ça se fait ?". La notion de joueur prometteur est aléatoire. A-t-on la certitude qu'un joueur très bon dans les catégories de jeunes sera très bon dans un groupe pro ? S'il devient un très grand joueur, on aura le retour financier mais pas le retour sportif. »

Les 18 premiers mois de Martial sur le Rocher semblent confirmer les doutes de JMA. Peu utilisé, il doit faire face à la concurrence de Falcao, de James puis de Berbatov. Pas évident à 18 ans seulement. Surtout, il doit encaisser les critiques parfois acerbes de ses entraîneurs. « C'est un grand jeune avec un grand futur, disait de lui Claudio Ranieri, son premier coach à Monaco. Mais il doit changer d'état d'espritParfois, la mentalité française, c'est OK aujourd'hui je joue bien, demain peut-être... Non, tu dois être très dur tous les jours. » « Martial est très jeune, soulignait pour sa part un Leonardo Jardim qui, mécontent de son replacement défensif, n’avait pas hésité à le remplacer après 26 minutes de jeu à Nantes. Et comme tous les jeunes, il fait plus d'erreurs qu'un joueur aguerri. Je lui ai dit qu'il avait de la qualité mais avait besoin de changer beaucoup de choses. Il doit travailler encore et encore. »

Notamment pour gommer une image qui l’a toujours accompagné. Celle d’un surdoué qui se reposerait sur son talent comme on s’allonge sur un matelas. Un sparadrap du « je m’en foutisme » souvent accolé à ses prestations qui ne surprend pas vraiment son frère. « C’est vrai qu’à une époque, il donnait un peu l’impression de dormir en marchant, » synthétise son ainé. Le réveil était nécessaire pour franchir un cap. Les interventions, aux allures de sonnettes d’alarme maintes fois  répétées, de son entourage plus ou moins proche n’y changent rien. Martial ne parvient pas à s’extirper de sa somnolence. Et tend toujours à disparaître des matchs. Peut-être aussi par peur de prendre ses responsabilités.

« Les mots du coach visaient ma nonchalance, pas mon comportement car je m'entends bien avec tout le monde. J'ai toujours été comme ça. Pour eux (mes entraîneurs), c'était de la suffisance. Ils avaient raison, admet-il entre franchise et auto-analyse. Avant le match contre Marseille (il est l’auteur d’une passe décisive), j'ai commencé à changer aux entraînements. J'ai eu comme une prise de conscience. » A la recherche d’un déclic pendant de longs mois. Il semble l’avoir enfin trouvé au détour d’une rencontre en automne dernier avec le sélectionneur de l’équipe de France. Didier Deschamps se rend alors à la Turbie. Et s’entretient en privé avec Martial, lui rappelant tout le bien qu’il pensait de lui et ce qu’impliquait le très haut niveau en termes d’investissement et de maîtrise des détails.

Le discours à l’effet d’une métamorphose. « Il a énormément progressé sur la concentration et l’application, détaille Mankowski. Maintenant, il est toujours focus, que ce soit en match ou à l’entraînement. Il est à l’écoute des consignes. Dans le replacement, il travaille plus et respecte les consignes défensives. » A l’instar de cette performance face aux Gunners en 8es de finale aller de la Ligue des Champions qu’il magnifie d’une passe délicieuse pour Berbatov. Un altruisme qui traduit cette recherche, désormais permanente, de l’efficacité. Aussi vient-il de trouver le chemin des filets à six reprises lors de ses six dernières apparitions en Ligue 1. Des stats que n’auraient certainement pas reniées Thierry Henry.

JULIEN ROUX

2015-04-14 14:01:29
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