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J33 : LE Joueur
J33 : LE Joueur

Nabil Fekir

Il ne surprendra personne que le destin d’un homme s’écrit à l’aune de ses choix. Mais également à la lumière de ceux pris par ceux qui l’accompagnent. Ce qui dessine alors assez nettement les contours d’une vie fréquemment tiraillée entre ses désirs personnels et ceux de son entourage. Ce qui explique aussi parfois des déchirures familiales. Et des décisions consécutives à de longs moments de doute et de crispation. Nabil Fekir pourrait longuement évoquer ces instants d’angoisse et d’intense tension.

Car voilà, à l’éclosion de son talent se sont machinalement réveillées les convoitises, pas toujours très saines, d’une farandole de suiveurs. D’agents soucieux de vérouiller son avenir footballistique voire financier. D’un club, l’Olympique Lyonnais, animé à l’idée de sécuriser le futur proche de son nouveau joyau. D’une famille veillant à l’équilibre quotidien de son rejeton. Ou encore de fédérations, algérienne et française, rivalisant de lobby afin d’en faire un potentiel sélectionnable. Bref, Fekir a vu débarquer dans son monde une ribambelle de personnages aux intérêts divers. Parfois même contraires. L’obligeant alors à l’impérieuse nécessité de décider.

Coincé dans ce tourbillon frénétique où les avis s’entrechoquent, il a, à 21 ans, pris de plein fouet les contrariétés de sa nouvelle notoriété. Un torrent de critiques s’est mécaniquement abattu sur les épaules de ce gamin dont l’avenir était en train de se jouer. Alors qu’il aurait eu besoin de calme et de tranquilité pour acter sa nationalité sportive, une cacophonie, qu’il a parfois bien malgré lui entretenue, a envelopé sa réflexion. L’épais brouillard qui embrumait alors ses nuits sans pour autant ombrager ses performances a fini par se dissiper quand sa voix s’est faite plus claire.

« L'Algérie est une partie de mon cœur, la France aussi. Mon père aurait aimé me voir jouer pour l'Algérie. Mais c'est moi le joueur, c'est moi qui suis sur le terrain. Ce sera l'équipe de France et ça ne changera plus ! » Ce fut pourtant le cas. Comme le précise Christian Gourcuff, l’actuel sélectionneur des Fennecs : « Nabil Fekir m’a appelé pour m’exprimer sa décision de revêtir le maillot de l’Algérie. Dès le moment où Nabil m’avait formulé son envie de nous rejoindre, j’ai contacté le président puis les autres responsables de la fédération afin de les informer de mon échange avec Nabil et de son choix.

Ma convocation fait suite à son appel. En aucun cas il ne m’a appelé pour me dire qu’il hésitait. Je ne peux pas le laisser dire ça. Cela me met en cause alors que nous n’avons jamais mis la moindre pression sur le joueur et qu’on lui a laissé six mois pour prendre une décision. Trois heures après son premier appel, il m’a appelé pour me dire qu’il se rétractait. »

Que s’est-il donc passé durant l’intervalle ? L’OL a-t-il conseillé à son joueur d’opter pour les Bleus afin de favoriser une éventuelle revente que sa participation à la CAN n’aurait pas favorisée ? A-t-il reçu un coup de téléphone de la part de Didier Deschamps lui signifiant sa confiance et surtout sa présence dans la prochaine liste tricolore pour affronter le Brésil et le Danemark en amical ? Fekir a-t-il voulu s’émanciper d’une tutelle familiale un brin trop étouffante ? Le mystère demeure. A l’inverse des regrets de ses paternels.

« Évidemment, les parents de Nabil n’étaient pas du tout contents de la décision de leur fils, dévoile son grand-père particulièrement affecté. Son père l’a réprimandé, car, lui aussi, il voulait le voir avec l’Algérie*. Sa maman était fâchée elle aussi et lui a dit que s’il ne voulait pas jouer pour l’Algérie, alors il vaudrait mieux ne jouer pour aucune autre sélection. Sincèrement, on est toujours sous le choc. On ne s’attendait pas du tout à ce que Nabil choisisse la France. Il m’avait même assuré qu’il allait jouer pour les Verts et même son père était confiant. Je ne comprends pas ce qui s’est passé. »

Vécue par une trahison par une partie de ces proches, cette volte-face semble avoir été dictée par la raison plus que par le cœur. Validant ainsi l’idée d’une sélection nationale au service d’une carrière, comme pour mieux capitaliser sur une exposition médiatique teintée de bleu. Ce que ne lui aurait pas forcément garanti la sélection algérienne. A croire que Fekir refuse systématiquement de revêtir une tunique verte. Ce fut le cas une première fois en 2011.

« J’avais même une meilleure proposition de la part de l’ASSE, mais j’ai toujours voulu jouer à Lyon, la ville où j’ai grandi, raconte le jeune gaucher. C’était un rêve de pouvoir jouer devant ma famille et mes amis. S’il n’y avait eu que Saint-Etienne qui s’était manifesté, j’y serais allé, je ne vais pas mentir, mais j’ai eu le choix et j’ai préféré revenir à Lyon. » Pourtant son histoire avec l’OL n’a pas toujours été écrite d’une confiance réciproque. Freinée par une maladie, sa progession est stoppée nette. Obligeant ainsi les éducateurs lyonnais à lui renfermer les portes d’un centre de formation qu’il n’aura fréquenté que deux ans.

« J’avais contracté une blessure (Osgood-Schlatter, une infection du genou) qui m’a handicapé sept mois lorsque j’évoluais avec les U15, précise-t-il. J’ai fait le choix de ne pas baisser les bras, en me disant que j’aurais une chance ailleurs. » Revenu au FC Vaulx, où son papa fait office d’homme à tout faire, il retrouve les joies d’un football où la notion de plaisir est omniprésente. « J’étais dans mon cadre familial, j’étais bien. C’est une des raisons de ma réussite, ça m’a permis de rester le même, raconte Fekir. C’était le foot sans pression, sans prise de tête, que des bons moments. »

Gérard Bonneau, qui a offert un contrat stagiaire de deux ans à Fekir, abonde dans son sens. « Si on l'avait gardé, rien ne dit qu'il aurait connu la même trajectoire avec les pros, acquiese le responsable du recrutement des jeunes à l’OL. La belle histoire, c'est que Nabil a accepté de ne pas être conservé au centre de formation et qu'il se soit lancé le défi de revenir sans rancœur. Depuis, il a tout balayé sur son passage et on vit tous ça comme un rêve à l'OL. »

Jean-Michel Aulas en tête. Jamais avare en sortie médiatique, le président rhôdanien s’est ainsi fendu d’une comparaison flatteuse à l’attention de son joyau. « Fekir, c'est Messi, lâche-t-il. Il a dix matches de Ligue 1 et ce qu'il montre est vraiment impressionnant. » Difficile en effet de le contredire (12 buts, 9 passes décisives (dont 2 lors de cette 33e journée dans le Derby) et 6 pénaltys obtenus en Ligue 1). Tant son entente avec Alexandre Lacazette a revolutionné le jeu lyonnais cette saison. Lui donnant une variété et une projection vers l’avant qui n’ont que peu d’égal dans l’Hexagone.

C’est d’ailleurs cette propension à provoquer et à créer des espaces pour ses partenaires autant que cette capacité à résister qui fascinent et affolent déjà les recruteurs des plus grands clubs européens. Tout sauf un hasard, alors que les négociations pour une revalorisation de son contrat avec l’OL sont en cours, qu’il ait décidé de prendre ses distances avec son agent pour se rapprocher d’un certain… Jean-Pierre Bernès. En s’entourant de celui qui gère également les intérêts de Didier Deschamps, Fekir a tranché. Ce choix lui permettra-t-il encore de grandir ?

JULIEN ROUX

*Son père, Mohamed, est arrivé en France en 1992, soit un an à peine avant sa naissance. Il parle couramment l'arabe dialectal et retourne sur sa terre natale visiter les siens tous les deux ou trois ans durant l’été.

2015-04-22 13:42:54
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