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J34 : LE Joueur
J34 : LE Joueur

C’est une constante aussi agaçante qu’imprudente qui noue la relation entre Max-Alain Gradel et Saint-Etienne. Depuis son arrivée dans le Forez, l’international ivoirien est tel un funambule pendu à son fil. Tantôt marchant sur l’eau, le regard projeté vers l’horizon empli d’ambition. Tantôt balbutiant son football, en perte d’équilibre et de confiance. Un perpétuel yo-yo dont le mécanisme est passé tout proche de la rupture. A plusieurs reprises, la corde s’est étirée dangereusement. Craquant même. Atteignant alors l’idée d’un point de non retour. A l’instar de ces dernières heures du mercato hivernal 2013.

« Je suis allé à Londres en pensant que j’allais être prêté, se remémore Gradel. Les deux clubs s’étaient mis d’accord. Mais quand je suis arrivé là-bas, West Ham a voulu que je signe un contrat de quatre ans. Comme le club était relégable, j’ai préféré ne pas prendre de risques. J’ai dit non et je suis rentré à Saint-Etienne. » Avant de confier. « Cela aurait été facile pour moi de m'échapper en Angleterre. Je n'étais plus le bienvenu à Saint-Etienne, où j'étais même devenu une cible dans le club. Mais je n'avais pas fini ce que j'avais débuté ici, en 2011. Et puis j’avais coché la date du derby retour... »

Une date. Un match. Une revanche sur lui-même qui hantait ses nuits. Et dictait tout de son attitude. Lors du derby aller, un soir de novembre, sa perte de balle non loin du poteau de corner se révélait fatal. Une récupération et un centre plus tard, Jimmy Briand plaçait sa tête hors de portée de Stéphane Ruffier. On jouait les dernières secondes du temps additionnel... Christophe Galtier, les bras au ciel, plantait son regard noir en direction de son milieu offensif. Comme pour signifer à son protégé que la route du pardon ne lui serait pas aisément accordée.

« A partir de là, ma souffrance a vraiment commencé, avoue-t-il en toute franchise. J’ai notamment lu beaucoup de méchancetés sur les réseaux sociaux. » Affecté, le « petit poulet d’Abidjan » en avait même perdu son sourire et sa joie de vivre d’ordinaire si communicative. Pour mieux rebondir, il se réfugia alors dans le travail. Une thérapie à laquelle il s’était déjà adonnée dans ses plus jeunes années quand les portes des centres de formation français se refermaient les unes après les autres. Tour à tour, Guingamp, Clairefontaine, Auxerre, Nantes et Paris ne le conservent pas.

Comme une rengaine, à chaque détection les mêmes raisons sont avancées. Sa petite taille et son frêle gabarit ne plaident pas en sa faveur. « Au PSG, je ne comprends toujours pas ce qui s'est passé, raconte-t-il. J'avais joué un premier match de trente minutes. Lors du deuxième, au bout de cinq minutes, j'avais fait marquer et j'avais frappé sur la barre. L'un des entraîneurs m'avait arrêté et m'avait dit d'aller m'asseoir, que j'étais au-dessus du lot. Mais, au moment de l'annonce des sélectionnés, je n'étais pas retenu… Cet entraîneur m'a dit que tous les décideurs n'avaient pas été d'accord… »

Les refus se succédant, l’évidence d’un départ prend de l’épaisseur. Elle se matérialise quelques mois plus tard lorsqu’il décide de rejoindre sa sœur aînée de l’autre côté de la Manche. Un exil forcé dans le sud-est londonien qui bouleverse son destin. « Je dis souvent que je me sens anglais et que c’est ma deuxième patrie, révèle-t-il. C’est là-bas que j’ai eu l’opportunité d’être ce que je suis. L’Angleterre, m’a accueilli, adopté et donné la chance de m’exprimer sur le rectangle vert. Je leur dois beaucoup. »

Ses premiers pas sont pourtant hésitants. Les remarques résonnent comme un cruel écho. Un air de déjà-vu que son passage au Lewisham College balaye d’un trait. Ses performances tapent dans l’œil de plusieurs recruteurs. Arsenal, Chelsea, West Ham et Leicester se renseignent alors sur son profil. Les Tigers arrachent finalement sa signature pour deux ans alors que les Gunners ne lui proposent qu’un contrat stagiaire. Les combats des divisions inférieures britanniques freinent cependant son épanouissement. Un prêt à Bournemouth puis un autre à Leeds l’endurcissent et l’épaississent. Ses qualités de percussion et de finition s’expriment enfin.

« En Côte d'Ivoire (il y a grandi jusqu’à 9 ans avant de partir en région parisienne avec sa mère), j'ai toujours joué avec des plus grands que moi, se souvient-il. Ça te forme physiquement et mentalement, c'est ça l'Afrique. » Un tempérament de guerrier que ses mois passés à Elland Road ont exacerbé. En mai 2010 alors que Leeds n’a besoin que d’un succès face à Bristol pour valider sa promotion en Championship, il prend une nouvelle dimension. Ulcéré par le comportement un tantinet provocateur de son vis-à-vis, il est exclu. Fou de rage à l’encontre de l’arbitre, il le prend à partie avant d’en venir presque aux mains avec ses coéquipiers.

« Mad Max » est né. Son erreur dans le derby face à Lyon l’avait enterré. Il renaîtra un 30 mars en donnant la victoire à son club à… Gerland. Rien ne prédisait pourtant un tel scénario. Un schéma tactique en 3-5-2 surprenant, conjugué à l’absence de dernières minutes de Romain Hamouma avaient obligé Galtier à retenir l’Ivoirien dans son groupe. Une décision prise sur les conseils d’Hamouma lui-même. A son coach, l’ailier stéphanois confia en substance : « J’ai mal à un genou et c’est mieux que Max prenne ma place. Il le mérite. Il ne joue pas mais il ne cesse de battre à l’entraînement. »

Gradel se souvient : « Cette reconnaissance d’un coéquipier m’a touché. Cela a été un déclic. Soudain, j’étais en mission. Je devais recréer une histoire. » La même qu’il recréa en février lorsqu’il souleva la Coupe d’Afrique des Nations avec son pays. Une façon pour lui aussi de refermer la cicatrice d’une blessure qui l’avait éloigné des terrains pendant six mois. En stage avec les Eléphants en mars 2013, il s’était donné une rupture des ligaments croisés. Son club, son entraîneur en tête, n’avait guère goûté cet épisode. Le staff ivoirien ayant dans un premier temps rendu un diagnostic bien moins alarmiste.

Alors, quand Gradel rejoint sa sélection nationale contre l’avis des médecins de l’ASSE en janvier dernier*, la fracture avec les Verts semble consommée. A l'inverse, elle s’est métamorphosée en une parfaite symbiose. Libéré par ses prestations décisives durant la CAN, il semble depuis animé d’une force intérieure. Une résurrection qui en fait aujourd’hui le leader offensif de son club (8 buts sur ses 8 derniers matchs).

« C’est mon histoire, mon parcours qui ont forgé mon caractère. Tout ce que j’ai traversé dans ma vie m’a permis de devenir quelqu’un de combatif. J’ai grandi comme ça. Je me suis toujours battu pour obtenir ce dont j’avais envie. Cet état d’esprit, je l’ai toujours eu en moi. Comme joueur de football, il a fallu que je me batte pour avoir ma place. Même quand j’étais en difficulté, je n’ai jamais voulu lâcher. Souvent, Kolo Touré me dit que je suis un vrai guerrier. » Que la peur du vide nourrit.

JULIEN ROUX

* Il était blessé à une cuisse.

2015-04-29 13:53:50
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